
La lutte pour l’objectivité et contre les biais de l’IA reflète, par essence, un corpus de valeurs. Elle est donc politisée et diffère selon les cultures. Meta se lance dans la bataille.
On se souvient du fiasco Google Gemini, capable de représenter des soldats nazis noirs ou une femme pape au XVIIIᵉ siècle : une volonté d’inclusivité si poussée qu’elle devient absurde. Début avril, Meta a repris cet exemple pour annoncer que les grands modèles « penchent historiquement à gauche » et lancer Llama 4, présenté comme « plus équilibré ». Mais pourquoi maintenant, et qui trouve cet équilibre ?
Un clin d’œil assumé à l’Amérique conservatrice
La volonté affichée de Meta est de mieux représenter les deux points de vue sur une même question (mais n’y en a-t-il que deux?). Après avoir promis de supprimer le fact-checking, cette annonce est vue comme un nouveau gage donné à l’administration Trump. Dans un article sur le sujet, le média américain Axios rappelle que Llama (Meta) et Grok (X/Musk) rivalisent déjà pour le titre de l’IA la moins sujette au politiquement correct. Problème : nous considérons souvent comme « neutre » un point de vue proche du nôtre. Dans le climat américain actuel, un modèle « équilibré » glissera mécaniquement vers la droite.
Le biais des IA reflète d’abord un soft power américain
Qu’un modèle soit biaisé n’a rien d’étonnant : il reflète ses données d’entraînement. Or Internet, via lequel ont appris les IA, reste massivement anglophone et surtout nord-américain. C’est en soi un outil de soft power : chaque réponse d’un chatbot diffuse, à bas bruit, une vision US du monde, surtout sur les sujets sensibles (où justement Llama et Grok promettent de ne pas se censurer). L’IA participe donc à la diffusion de ce point de vue dans d’autres langues et cultures.
L’enjeu est donc géopolitique : ces IA participent à la diffusion implicite d’une certaine vision du monde, notamment auprès de publics non-anglophones et dans d’autres cultures.
Les réponses européenne et chinoise
Europe. Mistral AI mise sur Le Chat, censé porter une vision plus européenne et multilingue. Les fondateurs pointent la nécessité de modèles enracinés dans d’autres cultures pour contrebalancer le tropisme américain.
Chine. DeepSeek ajoute sa propre couche : censure politique et « exactitude des réponses » selon la ligne du Parti. J’en profite pour rappeler que le droit chinois de l’IA a déjà atténué l’exigence d’« exactitude » absolue, mais le contrôle idéologique reste central.