AIPD

En tant que consultant RGPD, réaliser un DPIA a toujours fait partie de mes activités principales. J’en ai ainsi fait des dizaines pour des traitements variés et dans divers secteurs. Les éléments que je présente ici sont des incontournables.

Le RGPD impose aux organisations de mener des DPIA (Data Protection Impact Assessments) ou AIPD (Analyses d’Impact relatives à la Protection des Données) pour évaluer les risques liés aux traitements de données susceptibles de présenter des risques élevés pour les droits et libertés des individus. Cet article explique en détail comment réaliser un DPIA et les bonnes pratiques à adopter pour identifier et minimiser les risques.

Pourquoi réaliser un DPIA ?

Un DPIA n’est pas seulement une obligation réglementaire ; il s’agit également d’un outil stratégique permettant d’intégrer la protection des données dès la conception des projets (Privacy by Design). Le RGPD exige de réaliser une analyse d’impact pour tout traitement susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées. Les autorités ont publié certains critères, par exemple :

  • Traitement de données sensibles (santé, opinions politiques, etc.).
  • Surveillance systématique (vidéosurveillance à grande échelle, profilage).
  • Utilisation de nouvelles technologies pouvant impacter la vie privée (IA, reconnaissance faciale).

Le but est d’identifier les risques en amont, de les documenter, et surtout de mettre en place des mesures pour y remédier.

1. Identifier les traitements nécessitant de réaliser un DPIA

Tous les traitements ne nécessitent donc pas un DPIA. Cependant, certains critères définissent si cette analyse est obligatoire :

  • Volume de données : Si le traitement concerne un grand nombre de personnes ou une quantité importante de données.
  • Données sensibles : Lorsque des données comme celles relatives à la santé, aux opinions politiques, ou à l’origine ethnique sont traitées.
  • Surveillance ou profilage systématique : Si le traitement implique une surveillance continue (géolocalisation, analyse de comportements) ou un profilage approfondi.
  • Impact significatif : Lorsque le traitement peut avoir des conséquences notables sur la vie privée des personnes concernées (discrimination, exclusion, etc.).

Je conseille de réaliser un pré-diagnostic pour déterminer si un DPIA est requis. Il s’agit d’une évaluation simple et rapide sur certains critères, permettant d’évaluer si un traitement est candidat à la réalisation d’un DPIA. Cet exercice permet aussi au DPO de démontrer l’accountability de l’entreprise.

2. Impliquer les différents stakeholders

Le succès d’un DPIA repose sur la collaboration d’une équipe composée de plusieurs compétences :

  • DPO (Délégué à la Protection des Données) : Garant de la conformité au RGPD, il apporte son opinion experte et indépendante sur l’identification et le traitement des risques.
  • Responsables métiers : Ceux qui sont directement impliqués dans le traitement des données, pour comprendre les besoins opérationnels.
  • Équipe technique et sécurité : Chargée de mettre en œuvre les mesures de protection, elle apporte une expertise sur les solutions techniques.
  • Juristes : Pour s’assurer que le traitement respecte l’ensemble des obligations légales.

Une équipe bien constituée permet de couvrir tous les aspects du DPIA : techniques, organisationnels et juridiques. Si le DPIA est mené par un consultant RGPD, celui-ci s’assurera d’impliquer les profils mentionnés ci-dessus dans l’analyse. Il est donc nécessaire de travailler en « mode projet » de façon rigoureuse, avec des jalons et livrables clairement définis en amont.

3. Cartographier les traitements de données

Pour réaliser un DPIA correctement, une fois le projet cadré, il faut partir du registre RGPD. Si le traitement est nouveau (où le registre incomplet) il faudra commencer par cartographier le traitement. C’est une étape fondamentale pour identifier précisément son fonctionnement :

  • Nature des données collectées : Définissez clairement les types de données (identifiants personnels, données sensibles).
  • Sources de collecte : D’où proviennent les données (formulaires en ligne, capteurs, bases de données externes) ?
  • Objectifs et finalités : Pourquoi ces données sont-elles collectées ? (Marketing, gestion des ressources humaines, analyse comportementale).
  • Accès et partage des données : Qui a accès aux données, en interne comme en externe (prestataires, partenaires) ?
  • Durée de conservation : Définissez les règles de rétention et les critères pour déterminer la durée de conservation des données.

Cette cartographie doit être détaillée et actualisée régulièrement, car elle servira de base pour l’évaluation des risques. Selon les résultats de l’analyse d’impact, il est possible que les mesures à mettre en place entraînent la nécessaire mise à jour du registre.

4. Analyser les risques pour les droits et libertés des personnes concernées

C’est le coeur du DPIA. On évalue d’abord les mesures en place, leur efficacité et leur pertinence. En fonction des résultats de cette première phase de l’analyse, on en déduit les risques existant, qui sont quantifiés selon leur vraisemblance et leur sévérité. Attention, c’est la partie la plus importante du DPIA mais aussi celle où j’ai observé le plus d’erreurs commises, généralement par manque de méthodologie, ou méthodologie erronée.

4.1. Evaluations des mesures en place

L’analyse des risques consiste à évaluer l’impact potentiel du traitement sur les droits des personnes. Voici quelques exemples de risques à prendre en compte :

  • Atteinte à la confidentialité : Risque que les données soient divulguées à des tiers non autorisés.
  • Atteinte à l’intégrité : Possibilité que les données soient modifiées ou altérées de manière non autorisée.
  • Atteinte à la disponibilité : Les données pourraient devenir inaccessibles, bloquant ainsi des processus critiques.

4.2. Identification des risques

Pour chaque risque identifié, il faut évaluer :

  • La probabilité que le risque se concrétise.
  • La gravité de l’impact si le risque se réalise.

Cette étape peut se faire à l’aide de matrices d’évaluation des risques, permettant de prioriser les actions à mener. Les exercices d’évaluation de risque ne sont pas nouveaux et un consultant RGPD doit être capable de réaliser cette analyse au moyen de méthodes éprouvées.

5. Proposer et mettre en œuvre des mesures d’atténuation des risques

Une fois les risques identifiés et évalués, des mesures doivent être proposées pour les réduire à un niveau acceptable :

  • Minimisation des données : Limiter la collecte des données au strict nécessaire pour la finalité définie.
  • Chiffrement et anonymisation : Techniques pour protéger les données même en cas de fuite.
  • Contrôles d’accès : Imposer des restrictions et des processus d’authentification rigoureux pour limiter les accès aux seules personnes autorisées.
  • Mesures organisationnelles : Sensibilisation et formation des équipes sur les bonnes pratiques de protection des données.

Ces mesures doivent être proportionnelles aux risques identifiés. Il est important de documenter ces solutions et d’évaluer leur efficacité régulièrement. Dès la réalisation de l’AIPD, le niveau du risque tel que réduit par ces mesures doit être estimé lui aussi.

6. Documenter l’analyse et obtenir l’avis du DPO

Le DPIA doit être rigoureusement documenté. La documentation doit inclure :

  • Une description complète du traitement : Objectifs, données traitées, acteurs impliqués.
  • Les résultats de l’analyse des risques : Synthèse des risques identifiés et évaluation de leur impact.
  • Les mesures prises pour atténuer les risques : Description des solutions adoptées et justification de leur efficacité.
  • L’avis du DPO : Le DPO doit être consulté pour donner son avis sur l’analyse, vérifier la conformité des mesures, et suggérer des améliorations.

Conformément au principe d’accountability, un DPIA doit pouvoir être présenté si besoin, notamment aux autorités de contrôle telles que la CNIL.

7. Prendre une décision finale sur la mise en œuvre du traitement

En fonction des résultats du DPIA, différentes décisions peuvent être prises :

  • Poursuivre le traitement avec les mesures d’atténuation en place.
  • Adapter ou modifier le traitement si les risques restent trop élevés malgré les mesures prévues.
  • Abandonner le traitement si les risques ne peuvent pas être atténués à un niveau acceptable.

La prise de décision doit être basée sur une approche équilibrée entre les objectifs du traitement et les protections nécessaires pour garantir les droits des personnes.

8. Consulter l’autorité de protection des données (si nécessaire)

Si, après la mise en place des mesures d’atténuation, le risque résiduel reste élevé, il est obligatoire de consulter l’autorité de protection des données (en France, la CNIL). Cette consultation permet de valider la conformité du traitement ou d’obtenir des recommandations supplémentaires. En pratique, cette consultation est plutôt rare et les entreprises préfèrent modifier le traitement jusqu’à la disparition des risques résiduels, ou changer de direction.

9. Assurer le suivi et mettre à jour le DPIA

Le DPIA n’est pas un document figé. Il doit être mis à jour régulièrement, notamment en cas de :

  • Modification significative du traitement : Changement de finalité, ajout de nouvelles données ou de nouveaux outils.
  • Évolution des risques : Apparition de nouvelles menaces (cyberattaques, nouvelles vulnérabilités).
  • Mises à jour réglementaires : Nouvelles exigences légales ou changements dans les bonnes pratiques.

Un suivi régulier garantit que le traitement reste conforme aux obligations légales et que les mesures de protection sont toujours efficaces.

Réaliser un DPIA correctement est essentiel

Réaliser un DPIA est donc une démarche essentielle pour toute organisation souhaitant protéger les données personnelles de manière proactive tout en respectant les exigences du RGPD. En suivant une méthodologie structurée, vous pouvez non seulement assurer la conformité de vos traitements, mais aussi instaurer une culture de la protection des données au sein de votre organisation. Un consultant en privacy pourra vous aider sur ce sujet.

En définitive, le DPIA doit être perçu comme une opportunité d’améliorer les pratiques en matière de protection des données, de renforcer la confiance des clients et partenaires, et de se prémunir contre les risques juridiques et réputationnels.

Investir dans un DPIA bien réalisé, c’est investir dans la pérennité et la crédibilité de votre organisation face aux enjeux de la protection des données à l’ère numérique.

FAQ sur la réalisation de DPIA

Non, il n’est ni obligatoire ni nécessaire d’utiliser un outil dédié à la réalisation d’un DPIA. De nombreuses solutions existent sur le marché et peuvent être utiles, par exemple pour accélérer la démarche ou réutiliser les informations de votre registre. Néanmoins, Word, Excel et Powerpoint sont tout à fait suffisant pour réaliser des PIA pleinement conformes, même pour des traitements complexes.

Oui, réaliser un DPIA peut-être obligatoire pour certains traitements. Les autorités de contrôle ont la possibilité d’établir des « liste noires » de traitements nécessitant une analyse d’impact. Pour la France, la CNIL a publié cette liste sur son site.

Le temps nécessaire pour réaliser un DPIA dépend bien sûr de la complexité du traitement, de la disponibilité des interlocuteurs et des informations, etc. La plupart des DPIA demandent entre 6 et 20 jours homme (donc potentiellement davantage de jours calendaires).

AI & Data Privacy Compliance

Sur ce blog sont publiés des articles sur les réglementations de l'IA et des données personnelles en Europe, en Chine et aux États-Unis.